AMBITIONS :LE PORT QUI DOIT DÉVELOPPER LE CAMEROUN
Mardi, 12 Juillet 2011 08:36
Priorité parmi les priorités du programme de l’émergence en 2035, la construction du port de Kribi est souvent présentée comme la pièce fondamentale de l’envol de l’économie camerounaise.Les travaux de construction sont à peine entamés que déjà, Kribi veut se positionner
parmi ses concurrents directs que sont Malabo en Guinée Equatoriale et Pointe-Noire au Congo. Troisième port en eau profonde à voir le jour dans la sous région Afrique centrale, sa mise en service doit permettre au moins une avancée majeure : permettre au Cameroun d’exister en tant que place portuaire de référence.Avec une profondeur de 15 mètres, il pourra recevoir les plus gros navires qui existent au monde. Le vieux port de Douala, construit sur l’estuaire du fleuve Wouri, ne peut s’autoriser pareille performance avec ses 8 mètres maximum de profondeur. Une bonne affaire donc, qui, outre qu’elle vient densifier la concurrence dans la sous-région, doit surtout impulser la mise en valeur et donc le développement de l’important potentiel camerounais.
Terminaux spécialisés
Mieux encore que Douala, qui est une plateforme essentiellement vouée aux échanges, le port de Kribi se présente davantage comme un complexe industrialo-portuaire, combinant à la fois les activités commerciales et de production. Outre le port général (terminal polyvalent + terminal à conteneurs), quatre terminaux spécialisés et deux zones industrielles devraient y être incorporées. Objectif : exploiter, sur la côte, les richesses naturelles de l’Hinterland camerounais. Pour cela, un financement innovant a été trouvé, avec la participation des entreprises pressenties pour cette exploitation. Ainsi le port minéralier de Lolabé se situe-t-il au débouché du chemin de fer Kribi-Mbalam, par où doit transiter la production de fer et autres minerais de cette dernière localité. La société Cam Iron, pressentie pour l’exploitation de ces minerais, a participé à son financement.
Une usine à aluminium aussi devrait être construite au lieu dit Boussibelika. Le géant mondial de l’aluminium, Rio Tinto Alcan, qui participe à son financement, doit y installer une unité, avec un objectif de production chiffré à 400 000 tonnes par an. De même, outre le terminal à hydrocarbures au financement duquel elle participe, la Société nationale des hydrocarbures (Snh), prévoit d’installer sur place une usine de liquéfaction de gaz. Effets induits de ce foisonnement : l’emploi, et surtout la croissance qui, d’après certains experts, pourrait s’élever de deux points et atteindre, si elle est soutenue, des niveaux susceptibles de conduire à l’émergence économique.
Port de Douala
Toutes ces spécialisations sont liées à des projets en cours ou à venir, consignés dans le Dsce. Qu’il s’agisse de l’exploitation du fer de Mbalam, du nickel et du cobalt de Lomié, ou encore de l’extension de l’usine Alucam d’Edéa. Toutes choses qui font de ce port de Kribi le cœur du développement de la région et du pays tout entier.
Le port de Douala, qui concentre jusqu’ici l’essentiel de l’activité portuaire du Cameroun pourrait-il y survivre ? Même si une baisse de ses activités est inéluctable, les autorités veulent rassurer. « Le Port de Douala va continuer à assurer la desserte de son hinterland. La cité portuaire jouit d’un épais tissu économique, avec une main d’œuvre abondante », déclarait le secrétaire permanent du comité consultatif de ce port, Gabriel Mbarga Mbarga, au terme d’un diner débat organisé le 06 juillet dernier à Douala. L’on parle de plus en plus d’une spécialisation de la place portuaire, Douala conservant son rôle de port commercial et principal réceptacle des conteneurs. A la différence de Kribi et Limbé que les atouts prédisposent à jouer un rôle d’une plus grande ampleur.
Réaction
Grégoire Mba Mba:« Les populations ne doivent pas se sentir dépaysées »
Représentant des populations au sein du comité de pilotage et de suivi, il fait le point sur les revendications et les avancées de la procédure d’indemnisation et de relocalisation.
Il y a eu un problème lors des indemnisations des populations. Où en est-on avec cette question ?
En ce qui concerne les indemnisations, il y a eu une première phase qui a été arrêtée parce qu’on voulait vérifier si les titres fonciers étaient valables ou pas. Après ce contrôle, l’Etat a lancé une deuxième vague qui est en cours. Toutes ces populations ne sont pas encore indemnisées. On a parlé de 20 milliards. Pour l’instant, ceux-ci n’ont pas encore été débloqués. Mais l’Etat a demandé que tous les villages de la zone de la Kienké puissent être indemnisés, surtout les populations autochtones qui le sont déjà à 60%.
A-t-on une idée du nombre de personnes à recaser ?
On parle de 300 familles, mais vous connaissez la famille africaine. Il y a des gens qui sont à Douala ou à Yaoundé (dans les grandes villes) qui n’ont pas été comptabilisés. On essaie de les évaluer et de faire en sorte que ces populations (surtout celles de la côte) puissent se retrouver dans leur milieu naturel. Au lieu de faire un terrassement sur un terrain vague, on préfère donner des parcelles. Par exemple si vous êtes dans une zone, on peut vous donner 3 000 m2 à construire. En face, vous avez une autre parcelle pour faire de l’agriculture si vous voulez en faire la culture ; mais ce terrain vous ne pouvez pas le vendre. Notre rôle c’est de veiller à ce que les populations se retrouvent dans ce recasement. Qu’elles aient leur milieu naturel car elles ne doivent pas se sentir dépaysées. Ce sont là les enjeux.
Va-t-on encore assister à des arrêts de travaux comme cela a été le cas au début sur le site de construction du port ?
Ce n’est pas notre souhait. Notre souci est d’accompagner le chef de l’Etat dans la réalisation de ce projet, de veiller à ce que les populations riveraines puissent en bénéficier, qu’une économie puisse être créée autour de ce projet et que celui-ci ait un volet social important. C’est ça que nous sommes en train de faire et c’est pour ça que nous veillons à ce que, dans la relocalisation, ces populations se retrouvent dans leur milieu naturel en donnant par famille 3 000m2 de parcelle. On ne peut pas recaser toutes les populations à un seul endroit car il y a plusieurs villages. Pour l’instant on est en train de détecter les zones [trois zones ont déjà été répertoriées : une zone nord, une zone sud et une zone intérieure, ndlr].
Y a-t-il déjà une date pour le transfert des populations vers ces sites de recasement ?
On attend le début des travaux d’ici deux mois, mais nous veillons. Nos populations ont un problème, c’est qu’il y a des morts et elles n’arrivent pas à savoir où les enterrer. Donc il faut déjà trouver du terrain et faire en sorte qu’on puisse enterrer ces morts-là. Nous avons créé un forum pour toutes les populations des zones de la Lobé. Nous allons nous retrouver à Kribi pendant trois jours (les 11, 12 et 13 juillet, ndlr), pour réfléchir à l’idée de savoir comment on va les accompagner dans ce projet, comment on va les relocaliser. C’est une réunion très importante.
Propos recueillis par S-L.N