Concarneau. Vivre en Ville-Close : les derniers des mohicans
Elle a abrité entre ses murs un millier d’habitants. Aujourd’hui, la Ville-Close de Concarneau en compte moins d’une centaine. Ses derniers occupants savourent sur l’îlot animé leur « vie privilégiée ».
Cela pourrait être une variante de « Où est Charlie ? ». Pour trouver un habitant de la Ville-Close parmi la horde de touristes qui se presse dans ses rues chaque été, on serait bien en peine. En quelques dizaines d’années, leur nombre s’est réduit comme peau de chagrin : ils ne sont aujourd’hui plus que 80, environ, à dormir entre les remparts de l’île, dont de nombreux saisonniers qui ne prennent leurs quartiers qu’en été. Alors tous, à l’image de Maxime, 30 ans, propriétaire du restaurant le Trimaran, savourent le « cadre magnifique et historique » au sein duquel il leur est donné de vivre.
Rue Vauban, non loin de l’entrée de la Ville-Close, se tient un peu en retrait une élégante bâtisse blanche. Ancienne maternité de la ville, la résidence Vauban a vu naître de nombreux Concarnois. Elle est aujourd’hui un logement social.Brigitte, secrétaire de 60 ans revenue en Ville-Close où elle avait vécu petite, y loge depuis 15 ans. « Habiter ici, c’est vivre une vie privilégiée, assure-t-elle. On a l’impression d’habiter sur l’eau, comme si nous étions au milieu de l’océan et à l’écart du monde. » Bien sûr, la vie dans cette forteresse médiévale a des inconvénients, à l’heure où plus aucun commerce de proximité ne se trouve sur l’îlot et où, en haute saison, la circulation des voitures est interdite entre 10 h 30 et 19 h. « Mais il suffit de prendre ses précautions. On apprend vite qu’ici les avantages sont plus nombreux que les inconvénients », souffle-t-elle.
Parmi ces avantages : être, au fil des saisons, le spectateur de première loge de la métamorphose de l’île. Après le vacarme des grandes vacances, le mois d’octobre venu, le monument classé se vide de ses milliers de touristes et d’une majeure partie de ses commerçants. « L’hiver, la Ville-Close est de nouveau à nous », lance Brigitte. Certains soirs de froid et de pluie, ses rues revêtent alors parfois un aspect hostile, même pour ceux qui ont choisi d’y vivre à l’année. « Quand il n’y a pas de lumière et que l’on doit passer les deux arches dans la pénombre, même moi qui ne suis pas une peureuse, j’accélère le pas », concède la sexagénaire avec un sourire.Mais la basse saison est surtout l’occasion de se réapproprier les lieux. « L’hiver, je me sentais comme dans un cocon, avec l’impression d’avoir sous mes fenêtres une place privée », se souvient une des serveuses de la Maison du Kouign-Amann qui, petite, habitait au-dessus du restaurant.
De cette ambiance extraordinaire on ne se sépare pas facilement. « Aujourd’hui, je ne quitterais la Ville-Close pour rien au monde ! S’exclame Brigitte. Cette île fortifiée, c’est une histoire de famille. Ma mère y est née, rue Théophile Louarn… »De sa fenêtre aux rideaux blancs, Brigitte peut apercevoir la maison dans laquelle elle a passé une partie de son enfance, de ses quatre ans à ses huit ans. À l’époque, les années 1950, la Ville-Close avait un tout autre visage. « Quand je me promenais, je passais à côté des maisons du sculpteur et du peintre », se remémore-t-elle avec plaisir. « C’était un véritable village. Les habitants de la Ville-Close étaient comme à part par rapport au reste de la ville. »En quelques années, la boucherie, la boulangerie, les épiceries et les boutiques artisanales ont été remplacées par les magasins de souvenirs, les terrasses et les glaciers.Mais aucune nostalgie dans les yeux de Brigitte : « Non, la Ville-Close est aujourd’hui charmante parce que très animée. Il se passe toujours quelque chose entre ces murs… C’est merveilleux. »