> Le choix
par Yves PORTELLI
Un miroir japonais pour refléter la culture du monde
C’est encore plus un concept qu’un projet mais le pari de miser sur la luminosité, le souci de l’innovation technique et la préoccupation environnementale ont tout emporté.
SI les informations concernant les caractéristiques des différents projets avaient tout de même un peu filtré, aucun plan, aucune photo, aucune maquette n’avaient permis jusqu’ici de voir à quoi ressemblerait le Louvre-Lens.
Le choix du cabinet Sanaa a changé la donne. Il faut désormais imaginer le futur musée comme une succession de bâtiments, reliés entre eux et proposant un vrai cheminement sur une grande partie de la longueur du site, à l’intérieur comme à l’extérieur. Sans vouloir trop entrer dans les détails, il faut souligner que les constructions seront mêlées de verre et d’aluminium, qui font penser invariablement à des miroirs dans lesquels va se refléter le site tout entier, à l’extrémité duquel un aménagement paysager high tech sera créé.
Un musée qui doit se voir
Des détails auxquels ont été extrêmement sensibles Daniel Percheron et d’autres membres du jury sans oublier Henri Loyrette, convaincus les uns et les autres de la nécessité de voir apparaître sur le site de l’ancienne fosse 9 - 9 bis un musée différent des autres, lumineux, original. Différent… car il ne s’agira pas d’un palais à l’ancienne qui s’impose «physiquement» comme le Louvre à Paris. Le président directeur du plus grand musée du monde ne voulait pas reproduire ça à Lens.
Les élus du bassin minier dont l’avis a compté, ont exprimé leur envie de voir le résultat comme une richesse naturelle, blanche, lumineuse celle-ci. On ne retiendra peut-être pas ce détail de l’histoire mais si Daniel Percheron n’avait pas eu ses racines à Lens et Liévin, cette sensibilité issue du terrain n’aurait sans doute pas pu faire la différence.
Sanaa a le mieux compris ce que l’on attendait des architectes. C’est la raison de sa victoire. Il n’en reste pas moins vrai que des interrogations existent, que tout commence en somme comme le soulignait joliment Jean-François Caron, élu Vert au conseil régional, désireux de pouvoir amender le projet pour le rendre parfaitement clair et adapté aux exigences de son environnement. Une attitude qui est aussi celle de tous les partenaires concernés.
Les caractéristiques
La caractéristique essentielle concerne sans doute la luminosité. La lumière des galeries sera naturelle, une rareté dans les musées de cet acabit. Une des principales innovations techniques concerne le pare-soleil variable des toitures qui sera chargé de conditionner les écarts de température et la visibilité. Ce point constituait une des interrogations des experts, puis du jury. Mais, lors de l’entrevue finale avec Daniel Percheron, les Japonais ont été convaincants. Régis Cailleau, chef du projet Louvre-Lens du conseil régional, s’est voulu rassurant: «Les dispositifs solaires seront réglés selon un système été-hiver qui existe déjà. Sanaa nous a donné des exemples à l’étranger où cette pratique fonctionne depuis vingt ans.»
Une autre conclusion des experts faisait état d’une inquiétude concernant la capacité d’accueil du musée au-delà de 750- 850000 visiteurs/an. Sur ce point aussi, Régis Cailleau a trouvé une réponse: «Il suffira d’ajouter un bâtiment à ceux qui sont prévus. Cela ne poserait pas de problème de place ni de conception.» Rappelons que les études ont été faites à partir d’une fréquentation calculée aux alentours de 500000 visiteurs/an et que cela a également influé sur le nombre de places de parking disponibles in situ: « Deux cents emplacements pour les voitures sont prévus ainsi que dix pour les bus», explique Régis Cailleau qui admet que c’est un peu juste: «C’est l’un des points à revoir. À raison de 15000 visiteurs par jour, ça passera mais ce sera problématique le week-end et les jours exceptionnels.»
L’essentiel est aussi à l’intérieur
Ces éléments ne doivent en rien occulter le fait qu’à l’intérieur, rien ne se fera plus comme ailleurs. Là où à Paris, le visiteur subit le parcours, il sera libre de ses choix à Lens. Cela constituait une priorité d’Henri Loyrette et de toute son équipe dévolue au Louvre-Lens, dirigée par Élisabeth Delahaye-Taburet. Autre souhait sans cesse énoncé, celui de faire bouger les murs quand c’est nécessaire afin de pouvoir adapter la salle à l’oeuvre et pas l’inverse. Historiquement impossible au Louvre! Cette impuissance aura été pour beaucoup dans la démarche et le choix d’Henri Loyrette.
Avec le projet Sanaa, il suffira de le vouloir pour que le miracle se produise. Le président directeur va disposer de l’outil dont il rêvait et c’est parce que le projet japonais correspondait le mieux à ses exigences qu’Henri Loyrette l’a poussé très fort.
Autre particularité, celle de l’accessibilité aux réserves. Elles seront visibles à travers des parois de verre, une première mondiale. Le fait que l’on pourra découvrir l’envers du décor à partir du bâtiment d’accueil, là où la foule passera obligatoirement, a constitué un des faits majeurs qui ont fait pencher la balance. Qu’on se le dise tout de même. Le musée va véritablement se construire dès aujourd’hui. Fini les esquisses, place au concret.